En Afrique, Banques centrales et acteurs de la finance ne veulent pas passer à côté de la révolution «Blockchain»

En Afrique, Banques centrales et acteurs de la finance ne veulent pas passer à côté de la révolution «Blockchain»

La Blockchain, une technologie sur laquelle se basent les cryptomonnaies comme le Bitcoin et l’Ethereum, échappe au contrôle des Banques centrales et des autres acteurs de l’écosystème financier. Mais ces derniers n’ont pas dit leur dernier mot…

«Si vous ne pouvez pas la battre, il vaut mieux la rejoindre.» C’est ainsi que Takeshi Shirakami, le vice-président du comité sur les paiements et les infrastructures de marché (CPIM) de la Banque des règlements internationaux (BRI),  la plus ancienne organisation financière internationale considérée comme étant la Banque centrale des banques centrales, a résumé l’attitude que devraient prendre les instituts d’émission et les divers acteurs du système financier en Afrique à l’égard de la technologie de la Blockchain.

Le responsable de la BRI s’exprimait le lundi 14 mai lors de l’Africa Blockchain Summit organisé à Tunis par la Banque Centrale de Tunisie, Paris Europlace et le groupe Talan, spécialiste de la transformation digitale.

Cet événement pionnier en Afrique dédié à la Blockchain, témoigne de la volonté manifeste des Banques centrales et des institutions financières du continent de ne pas passer à côté du potentiel que renferme cette technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.

Le ton a été donné d’emblée dans l’allocution d’ouverture des travaux de ce sommet prononcée par le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi.

«Notre continent est indéniablement celui qui pourrait le plus bénéficier de la technologie Blockchain.», a-t-il souligné, indiquant que les pays africains font face à des défis communs comme la faible inclusion financière, le poids important du secteur informel, le chômage élévé, l’insuffisance de garantie des prêts et le déficit d’infrastructures et une forte croissance démographique.

«La Blockchain pourrait aider nos pays à accélérer leur émancipation économique  et pérenniser leur autonomie. Au-delà de l’aspect monétaire, cette technologie peut ouvrir les portes aux entrepreneurs, en proposant d’innombrables solutions bâties sur un protocole fiable, sécurisé et transparent.», a plaidé M. Abassi.

Un mouvement irrépressible

Soulignant que le sommet s’inscrit dans une dynamique internationale qui vise à appréhender et maîtriser la Blockchain, «sujet dans lequel Paris Europlace est très impliquée tant en France qu’à l’international», le secrétaire général de Paris Europlace, Alain Pithon, a formulé le souhait de «pouvoir s’appuyer sur la relation privilégiée avec la place financière de Tunis pour mener des projets communs en direction de l’Afrique subsaharienne et de la région MENA».

Il a également estimé que la technologie des chaînes de blocs représente «un mouvement qu’on n’arrêtera pas, et dont la maîtrise nécessite l’implication des politiques, et de l’ensemble des acteurs de l’écosystème financier».

Même son de cloche chez Antoine Hobeiche, conseiller spécial auprès du secrétariat général de l’Union arabe des banques : «Il ne faut pas ignorer cette nouvelle technologie apparue de manière clandestine mais qui pourrait bouleverser plusieurs domaines, dont la finance, le commerce, l’assurance, l’énergie et même les services publics. Les perdants sont ceux qui resteront au bord de la route, alors que ceux qui participeront à la course sans préparation préalable vont se fatiguer.»

  1. Hobeiche a fait savoir d’autre part que la blockchain va permettre de révolutionner la connaissance du client (Know your customer), en permettant aux acteurs bancaires de partager leurs informations sur les individus, ce qui pourrait améliorer la lutte contre l’évasion fiscale.

Réduction des coûts et des délais

Sur un autre plan, le directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), Edoh Kossi Amenounve, a souligné que la Blockchain représente trois principaux avantages. Le premier consiste en l’élimination des intermédiaires non indispensables et, partant, parvenir à apporter une meilleure efficience au système financier, dans la mesure où cela permettra de minimiser les délais de réalisation des transactions.

Le deuxième avantage porte, selon lui, sur la réduction des coûts d’intermédiaires, ce qui permet une meilleure allocation de ces ressources dans l’économie. Le troisième avantage n’est autre qu’une meilleure gestion des risques systémiques, étant donné que la technologie blockchain permet d’avoir une vue globale sur toutes les évolutions financières au niveau national et mondial.

«La  technologie de la Blockchain peut apporter beaucoup au marché financier africain. Les acteurs de ce marché ne peuvent pas l’ignorer.», a précisé M. Amenounve, qui préside aussi Laboratoire de la Finance Africaine (AfricaFinLab).

Il a cependant révélé qu’«il y a beaucoup d’hésitation et de réticence à l’égard de cette technologie, du fait que ces technologies dites de rupture vont bouleverser les systèmes existants».

Dans cette même optique, le directeur général de la Banque centrale marocaine, Abderrahim Bouazza, a fait remarquer que la Blockchain favorise une inclusion financière, ainsi que la sécurisation et la réduction des coûts de transfert de fonds de la diaspora, soulignant que ces opérations coûtent actuellement plus de 9% de la valeur du montant global transféré en Afrique.

Aujourd’hui, un virement bancaire entre deux pays nécessite une multitude d’intermédiaires bancaires pour assurer le suivi de la transaction. Avec un registre partagé (distributed ledger technology /DLT), l’information pourrait circuler plus rapidement et le nombre d’intermédiaires sera limité, permettant de «réduire les coûts opérationnels».

Sauter une génération entière

Le président du groupe Talan, Mehdi Houas, a, quant à lui, estimé que l’Afrique a besoin de la technologie Blockchain pour sauter une génération dans le domaine de la finance, comme elle l’a fait dans le domaine de la téléphonie.

«L’Afrique a rattrapé son retard dans le domaine des télécommunications en sautant la case téléphone filaire pour aller directement vers la téléphonie mobile. Elle peut réaliser le même saut dans le domaine de la finance en adoptant la Blockchain.», a-t-il expliqué.

Ex-ministre tunisien du Commerce et du tourisme, M. Houas pense que la vraie question qui doit se poser au sujet de cette technologie qui a été conçue de manière à donner la possibilité d’éliminer le tiers de confiance, en l’occurrence les banques, est la suivante : Est-ce qu’on gagnerait vraiment à éliminer cette intermédiation, ou est-ce mieux opportun de la garder tout en utilisant cette technologie?

«A Talan, nous sommes convaincus qu’en éliminant l’intermédiation des banques, on risque de perdre plus qu’on ne pourrait gagner, car on aura raté l’occasion de bénéficier de tous les accords signés entre ces institutions à l’échelle internationale.», a-t-il indiqué.

L’Africa Blockchain Summit s’est articulé autour de trois axes: la conférence des gouverneurs de Banques Centrales et hauts responsables des institutions financières africaines et internationales ; les ateliers sur les usages pratiques de la Blockchain par le secteur financier; et la recherche et l’innovation, à travers un Hackathon réunissant fintech, académiques, chercheurs et développeurs autour d’un défi Blockchain, en lien avec des préoccupations opérationnelles.

Ecobank

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